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INTERVIEW

Florian Sliwa
15 mai 2006 à Paris

Nous avons voulu prendre la température du Metal Underground Parisien, ce milieu complexe et fascinant qui est en perpétuelle mutation ! Après avoir pu enfin caller un rendez vous exceptionnel, nous avons soumis à nos questions pertinentes Florian Sliwa, le fameux Metalmaniac Multicartes étant depuis quelques années une figure emblématique de cette scène dynamique défricheur de nouveaux talents !


Florian Sliwa (au centre) avec Chugga Chugga
NRVMAG.COM : Bonjour Florian, et merci de répondre à nos questions. Comment te présenterais-tu ? Musicien ? Organisateur de concert ? Homme à tout faire au service de la musique ? ….
Florian Sliwa : Homme à tout faire au service de la musique çà me plait bien !!! Non plus sérieusement j'ai effectivement différentes activités que j'essaie de dissocier au mieux même si ce n'est pas toujours très évident. Tout étant plus ou moins intimement lié. Maintenant tout est un travail d'équipe et çà permet aussi de mieux différencier le tout. Dornfall c'est mes musiciens et moi même, Elianor c'est Olive le président ainsi que Nan notre attachée de presse quand aux copains d'Underclass c'est plus un coup de main que je donne tout simplement parce que j'aime la passion qui les anime.

NRVMAG.COM : Peux-tu nous présenter ton association (Elianor) ?
Florian Sliwa : L'association existe depuis 2001 et sa vocation a toujours été d'aider la scène underground en proposant au public parisien de découvrir des groupes avides de scène et souhaitant bénéficier de conditions décentes pour pouvoir présenter leur musique et leur projet. Depuis les choses ont un peu évoluées vu qu'on s'est également mis à organiser des plus gros concerts avec des têtes d'affiche internationales mais nous restons malgré tout très attachés à la scène underground, vu que nous en faisons partie (Olive joue également dans Jadallys), et c'est aussi la raison pour laquelle même sur des plus grosses affiches nous essayons autant que possible de toujours rajouter des groupes locaux pour leur permettre de s'aguerrir au contact de musiciens plus chevronnés.

Olivier
(Jadallys)
NRVMAG.COM : Depuis combien de temps organises tu des concerts ?
Florian Sliwa : Personnellement depuis mai 2005 quand j'ai rejoint Elianor, les choses se sont véritablement accélérées pour moi lorsque j'ai pris la décision d'arrêter le travail que j'avais à côté en septembre pour me consacrer exclusivement à la musique. Auparavant on avait déjà organisé plusieurs concerts avec Dornfall vu la difficulté de trouver des dates sur Paris !

NRVMAG.COM : Comment fonctionne ton association d'organisation d'évènementiels ?
Florian Sliwa : Elianor est une association loi 1901. L'organisation interne est assez simple, Olive est président et s'occupe principalement de toute la partie administrative (ce sur quoi je suis bon à rien !!!), Nan s'occupe de toute la communication sur les dates et moi même de la partie booking, des négociations de cachet avec les bookers et/ou managers et du choix des groupes que nous décidons de produire. Dans les grandes lignes çà donne un peu près çà ! Maintenant notre structure étant assez petite tout le monde touche un peu à tout vu la charge de travail que cela représente. Ceci notamment le jour du concert en lui même où nous assumons également tous un peu le rôle de régisseur de la soirée. On ne peut en effet aucunement se contenter d'effectuer le simple rôle défini à la base ! J'oubliai aussi ce qui est certainement le plus important : notre équipe de bénévoles qui nous aide sur toutes les grosses dates et facilitent grandement le travail d'accueil des groupes (backliners, roadies, catering, etc). Ils sont nombreux et fidèles à l'aventure et on les considère comme des membres à part entière de l'équipe. Je pourrai citer bien sûr Jen de l'asso Heavynation qui est notre responsable backliners sur toutes les grosses dates et sur qui on se repose totalement, mais il y en a tellement que je ne peux pas tous les citer ici, ils se reconnaîtront !!!


NRVMAG.COM :
Comment as-tu commencé à organiser des concerts ?
Florian Sliwa : Et bien bizarrement en fait ! J'ai toujours fait en sorte de promouvoir au mieux toutes les dates de Dornfall, que ce soit par le biais du flyage et aussi d'internet. A tel point que j'ai été contacté par plusieurs bookers étrangers qui pensaient que j'étais organisateur de concerts ! Connaissant Olive depuis longtemps je lui ai donc proposé de réaliser ces dates par le biais d'Elianor ce qui a été fait. Ensuite c'est vraiment exponentiel, un contact en appelant un autre on s'est retrouvé rapidement avec des demandes pour des groupes de plus en plus gros.

Florian Sliwa
(Dornfall)

NRVMAG.COM : Qu'est-ce qui t'as donné envie d'organiser des évènements ?
Florian Sliwa : L'apathie générale de la scène Metal parisienne. Ce sentiment qu'il ne se passe rien ou plutôt qu'il n'y a pas de structures pour permettre aux nombreux groupes du coin de les faire jouer. Mais c'est aussi une vocation de partager sa passion avec tous ces acteurs et de les impliquer dans notre démarche.

NRVMAG.COM : Comment choisis tu les groupes que tu programmes en concerts ?
Florian Sliwa : Ouarf ! Alors là très vaste question. Bien sûr tout commence par la musique, les coups de coeur que nous pouvons ressentir à l'écoute des très nombreuses maquettes que nous recevons. Mais ensuite c'est aussi le côté humain qui intervient. En toute sincérité, on a pas envie de bosser avec des cons ou des pseudos Starlettes. C' est pas comme si on était rétribués financièrement pour les concerts ! Personnellement j'aime la simplicité et l'honnêteté que devraient accompagner toute démarche artistique, en tous cas en dehors de la scène. La scène c'est autre chose, c'est du théâtre et chacun l'oriente à sa manière. Alors oui le côté humain est pour moi le plus important. Certains utiliseront le mot "piston" mais ce n'est pas çà. On ressent les groupes qui ont vraiment l'envie de se bouger et c'est bien évidemment sur ceux là que nos choix vont se porter en priorité. On ne fait pas de distinction entre un groupe qui a 2 albums derrière lui ou des débutants qui nous envoie un mp3 enregistré dans leur garage. C'est aussi la raison pour laquelle on a fait joué jusque là des groupes de niveaux très différents. Mais je préfère donner une chance à un groupe débutant qui en veut plutôt qu'à un plus réputé qui va se la jouer.

NRVMAG.COM : Qu'est-ce qui a changé dans l'organisation des concerts entre tes débuts et actuellement ? Y'a-t-il une réelle baisse de fréquentation des concerts comme on l'entend régulièrement ?
Florian Sliwa : Je rejoins volontairement les 2 questions puisqu'elles sont liées. Il faut avouer que j'ai peu de recul personnellement pour m'exprimer sur la première question mais c'est suffisamment redondant dans le milieu pour que je puisse émettre quelques idées. Alors oui la baisse de fréquentation est une réalité et il faut je pense tirer véritablement la sonnette d'alarme dès maintenant avant qu'il ne soit trop tard.

NRVMAG.COM : Quelles sont les causes de cette baisse de fréquentation selon toi ?
Florian Sliwa : La baisse de fréquentation à des causes multiples, je vais essayer d'être le plus exhaustif sur la question. La raison principale est à mon avis économique. Les coûts augmentent de manière drastique que ce soit au niveau des salles de concerts qui sur les dernières années ont augmentées de manière très significative qu'au niveau des groupes qui demandent des cachets de plus en plus élevés. Je crois qu'il ne faut pas particulièrement en vouloir aux artistes... Le téléchargement a fait baisser les ventes de cds dramatiquement et le concert qui était jusque là un évènement promotionnel pour un artiste est devenu une source de revenu pour lui. De même un artiste qui demandait par exemple 1500 euros de cachet il y a 3 ans en jouant devant 700 personnes va demander le double actuellement de ce fait sauf que l'affluence elle est généralement divisée par 2. Alors pourquoi cette baisse de fréquentation ? D'une part du fait de ces coûts, le prix des places de concerts augmente dans les mêmes proportions. Autre chose, la fréquence des concerts qui sur Paris est devenue un véritable enfer, on se retrouve très régulièrement à produire un concert avec le même soir 4 à 5 autres dans d'autres salles de la capitale. De ce fait là, c'est la loi de l'offre et de la demande, il y a à l'heure actuelle plus de demandes que d'offres au niveau des salles, d'où ces dernières qui augmentent leurs prix en étant sûrs de continuer à louer tout autant. Mais pour rajouter un bémol il faut aussi dire que les impôts pour ces mêmes salles ont eux aussi énormément augmenté. Voilà la raison économique. Ajoutons à çà un fait très important pour un organisateur de concert, on paye la location de la salle mais il faut savoir que en plus nous ne récupérons absolument rien sur le bar. Si c'était le cas, crois bien qu'un billet de concert vendu 20 euros actuellement verrait son prix baisser de 4 à 5 euros facilement. Pour rester sur le sujet des consommations, parlons aussi du prix de celles ci sur Paris... La moyenne pour une simple bière sur Paris est de 4 euros. Prend le cas d'un étudiant, son budget soirée est le suivant : déplacement, billet, consos et souvent merch' bref bien supérieur à celui du simple billet. Les groupes aussi jouent, ou en tous cas souhaitent jouer de plus en plus souvent, il n'est pas rare de voir des artistes faire 2 à 3 concerts dans l'année sur Paris ce qui crée une lassitude certaine chez l'auditeur. Le plus parlant est encore de te donner un exemple de ce que nous gagnons actuellement sur Paris car je crois qu'il est important pour le public de s'enlever de la tête que les promoteurs s'en mettent plein les poches... Alors je ne vais pas généraliser non plus, certains gagnent très bien leurs vies mais je vais parler de ceux qui en sont plus ou moins à notre niveau. Je vais prendre pour ce faire le plus récent, le concert de Sonata Arctica / Doro / Altaria à La Loco du mardi 9 mai 2006. 550 entrées payantes à 21 euros la place (soit un peu plus de 23 euros en Fnac / Virgin), après paiement des différents frais (salle, cachet des groupes, Sacem, catering, bouffe, promo, taxes) nous avons gagné gracieusement un peu plus de 300 euros... Ceci pour 3 mois de boulot et une journée de concert qui commence à 10h du mat pur terminer 05h le lendemain matin et ce avec une équipe de 20 personnes. Mais le plus intéressant est également de voir ce que gagnent les différents intervenants et tu vas mieux comprendre qu'il faut avoir la foi actuellement pour organiser des concerts ici !!! Bref cachet groupes: +- 5600 euros, Loco +- 3400 euros, Sacem +- 980 euros, billeteries Fnac / Virgin 1155 euros (10% de tout billet vendu). Conclusion on est de loin ceux qui gagnont le moins !!! Pire et ceci reste mon éternel coup de gueule mais je trouve insensé de voir que des organismes comme la Sacem ramassent sur tous les concerts en restant tranquillement assis derrière leur bureau. Si encore tous les artistes en profitaient... Même chose pour les billetteries qui empochent 10% de chaque place vendue quand tu sais que le coût de revient net d'un billet est de moins de 20 cents.

Mais le dernier point qui explique la baisse de fréquentation à mon sens vient par contre aussi directement du public. Je vais parler comme un vieux con mais quand j'avais 15 ans j'étais toujours avide de découvrir des groupes et de dénicher la perle rare, le groupe que les copains n'avaient pas encore entendu. J'ai l'impression que ce phénomène n'existe plus et explique les affluences minables des concerts avec des groupes en développement ou des artistes peu connus. Alors bien sûr la non médiatisation du Metal en France n'aide pas mais je trouve tout de même que la curiosité se perd totalement au profit de certains artistes sur médiatisés qui eux remplissent toujours les salles...

NRVMAG.COM : Ce phénomène est-il exclusivement français d'après toi ? Qu'en est- il dans les autres pays d'Europe par exemple ?
Florian Sliwa : Je ne pense pas. Pour parler régulièrement avec des homologues allemands, le problème existe également depuis peu chez eux, même si c'est dans une moindre mesure. Pour le reste je ne sais pas mais je pense que la situation que nous vivons est générale. C'est aussi pourquoi de plus en plus de tournées commencent à s'orienter vers les pays de l'est qui eux étaient boudés jusque là. C'est un terrain encore assez vierge et représente une nouveauté chez eux. Ce qui implique aussi que le public se déplace beaucoup plus massivement.

NRVMAG.COM : Le net comme support de diffusion des infos à moindre frais (et plus rapide), n'équilibre t-il pas la perte d'argent par la baisse de fréquentation notée dans les salles ?
Florian Sliwa : La promotion par le net est devenue indispensable bien sûre. Maintenant je serai bien incapable de te dire l'impact que cela représente sur les ventes. On a parfois l'impression de se donner bonne conscience en faisant de la promo flyers, affiches etc... Et on le ressent d'autant plus pour les affiches avec les groupes amateurs ou malgré ces dépenses on a rarement plus de 10 places vendues en billeterie. Ce sont les groupes eux mêmes qui font l'effort de réquisitionner leur public. Pour les grosses dates c'est très différent. Et surtout les moyens promotionnels ne sont pas les mêmes, ils sont à la mesure de l'évènement. C'est pourquoi certains promoteurs utilisant massivement les moyens de promotion les plus chers (radio, tv, affichage municipal, metro) pour des dates au Zenith, à Bercy ou équivalent, se permettent de pratiquer des prix surréalistes tout en sachant que cette promo là a un impact certain. Maintenant pour en revenir à internet, tu as certainement du voir que nous avons actuellement de très nombreux partenaires dans les webzines, webradios, etc et çà me tient particulièrement à coeur. L'idée est surtout de fédérer et de se retrouver tous autour d'un projet commun qui est le notre. C'est une éthique que nous partageons avec eux et leur aide est vraiment inestimable.

NRVMAG.COM : Comment vois tu l'avenir de l'organisation de concerts ? Es-tu plutôt optimiste ?
Florian Sliwa :
Non !!! Je ne suis pas optimiste du tout ! Je pense que le problème ne fait que commencer et je ne suis pas le seul à penser çà. Je pense qu'il faut retrouver des vraies valeurs, retrouver le goût du p'tit concert près de chez soi où on paye pas cher en passant un bon moment avec ses potes à écouter de la musique et boire un coup. C'est ce que je vivais y a encore 10 ans et çà n'existe plus vraiment. Je crois aussi qu'il va falloir décentraliser !!! C'est le mot à la mode tu me diras mais on réfléchit de plus en plus aux possibilités de déplacer notre programmation en proche banlieue où là les gens se déplacent plus facilement et où on peut pratiquer des tarifs décents. Je crois qu'à l'heure actuelle on apprend aussi à dire non aux artistes qui veulent multiplier les dates et nous sommes plusieurs promoteurs dans ce cas. Il faut impérativement diminuer la fréquence des concerts si on veut récréer un intérêt.

NRVMAG.COM : Ton expérience doit être riche d'anecdotes en tous genres sur des péripéties d'organisation (bonnes et mauvaises d'ailleurs)…, peux tu nous faire partager un bon et un mauvais souvenir ?
Florian Sliwa : Un bon souvenir: très simple !!! Certainement d'ailleurs en ce qui me concerne le meilleur souvenir depuis que j'organise des concerts. C'était dimanche 7 mai 2006 pour le concert de The Old Dead Tree / Leaves Eyes / Magica / Jadallys. Un concert simplement magique à tous niveaux. Des groupes supers, des musiciens, managers, tour-managers géniaux, une ambiance jamais vu en coulisse comme dans la salle, bref une journée où on a tous bossé comme des dingues mais dans la joie et la bonne humeur et où des liens particuliers se sont créés ce qui devient de plus en plus rare vu l'entourage facétieux des groupes... Un mauvais souvenir ben je ne sais pas, je ne m'arrête pas à ce genre de choses et je préfère les oublier même si ils ont été nombreux. Mais je n'émettrai pas de jugements sur ces gens là, ce serait leur faire trop d'honneur. Tu auras au moins compris que mes mauvais souvenirs sont liés à l'aspect humain !

NRVMAG.COM : Que t'apporte le fait d'être musicien toi-même lorsque tu passes " de l'autre côté " et que tu deviens organisateur ?
Florian Sliwa : Je crois que çà me permet d'être plus proche des inquiétudes et revendications des musiciens. Çà m'aide aussi énormément dans mon discours avec eux, on se comprend, on est pareils. Il est plus facile de répondre à un besoin technique quand tu connais toi même le problème. Bref le fait que les groupes savent que nous sommes également musiciens les rassurent et permet de résoudre tous les éventuels problèmes avant même qu'ils surviennent. C'est une grande famille après tout, en tous cas çà devrait l'être !

NRVMAG.COM : Merci beaucoup Florian, bon courage pour tout ce que tu fais !!! A bientôt en concert.

Blood. (http://bloodflowers.forumactif.com/ Contact : flowerblood@hotmail.com
)


Olivier, Nan' (Elianor), Phil (Underclass) & Angellyca (Forever Slave)
Pour en savoir + :
Elianor : www.elianor.net
Uncover : www.uncover-promotion.info (asso/promo d'Underclass : partenariat avec Elianor)

Infos + Dornfall : www.dornfall.com
www.myspace.com/dornfall

Infos + Jadallys : www.jadallys.net
www.myspace.com/jadallys

Photos : @lex ''Mitraille !'' Mitram